Besançon : disparition inquiétante, double fiasco populaire et médiatique
27 août 2023
Toufik-de-Planoise (97 articles)
Share

Besançon : disparition inquiétante, double fiasco populaire et médiatique

Coup de tonnerre mardi dernier à Besançon, lorsque une fillette est portée disparue. Parents et proches alertent la population, mais cet appel légitime se double d’un message : la gamine ayant rendu visite à une camarade la veille, la famille de celle-ci est accusée d’avoir perpétré un kidnapping ; le prénom de l’enfant, une adresse, jusqu’aux origines, sont livrés en pâture. Pendant que l’enquête policière se poursuit, un incendie survient le lendemain au domicile des mis en cause ; malgré les réserves du Parquet, un média n’hésite pas à lier les deux dossiers, avance la possibilité d’une dissimulation de preuves, et donne la localisation exacte du sinistre. Alors que la tension est à son paroxysme, un énième coup de théâtre clôture l’affaire ce jeudi : la petite est retrouvée saine et sauve à Paris, admettant avoir simplement fugué.
.
.
Dans la journée du mardi 22 août, l’apparition soudaine d’un visuel secoue les réseaux sociaux : « ma petite sœur S. âgée de douze ans a disparu hier vers 21h00 à Besançon » est-il indiqué, entre une photographie et le renvoi à un numéro de téléphone. Nécessairement poignante, l’information va vite faire le tour des pages, groupes et autres cercles. Mais dans la foulée, ce message légitime va être doublé d’allégations beaucoup moins précautionneuses. « [Elle] a été enlevée par la famille de X, à rue de Y à Besançon ; on ne sait pas si elle est vivante ou si elle morte […] La famille qui est d’origine kosovare ment sur plusieurs détails […] elle n’a pas voulu ouvrir la porte [à nous et à la police]. » Un véritable brûlot, qui allie rapt d’enfant, suspicion de comportements douteux et citations ethniques, tout livrant des coordonnées précises.

Le lendemain matin, un rebondissement alourdi encore l’atmosphère : l’appartement désigné quelques heures plus tôt est la proie des flammes, manquant de réduire tout l’immeuble en cendres ; quant aux occupants, ils sont introuvables. Le jour-même le quotidien « l’Est Républicain » lie directement le sinistre à la disparition, sur la seule base de propos rapportés… celui-ci ne va pas manquer de relayer la thèse d’une soustraction volontaire, d’affirmer via « une source » l’origine criminelle de ce feu même en l’absence d’expertise, puis de conclure en demandant si « la famille de la victime a souhaité se faire justice elle-même » ou si plutôt « une personne a tenté d’effacer des traces ? » Pour ne rien manquer au panorama, l’adresse exacte de l’incident est exposée en plus d’une géolocalisation avec la cartographie Google Maps.

La supputation de circonstances et mobiles se trouvent désormais validée par un sceau journalistique, crédibilisant la publication virale du mardi. Une fois n’est pas coutume, le Parquet avait pourtant privilégié la prudence : « en l’état actuel des investigations, aucun lien n’est établi avec l’incendie. » La suite lui donnera raison, un épilogue heureux survenant le jeudi… S. a été retrouvée saine et sauve en région parisienne, reconnaissant avoir passé la soirée chez son amie avant de partir d’elle-même pour prendre le train aux aurores. Alors que les réactions inquisitrices et vindicatives se multipliaient, le soufflet retombe. Il s’en est peut-être fallu de peu. Les rumeurs d’atteintes aux mineurs se basant sur des clichés ethniques ne sont pas nouvelles, ayant déjà occasionné des drames comme à Marseille en 2014 ou Bobigny en 2019.
.
.

Ce contenu est sous copyright. Toute utilisation/téléchargement/republication sans notre accord est formellement interdite. Pour toute question concernant le copyright, merci de nous contacter. (Plus d'info : Article L335-2 - Code de la propriété intellectuelle)

Message très important

La rédaction journalistique de Radio BIP / Média 25 risque de disparaître

Sans votre participation, notre équipe de journalistes peut disparaître. Nous sommes un média indépendant, associatif et non profit qui a comme unique angle les droits humains. Zéro publicité et un contenu 100% gratuit et accessible. Notre mission: uniquement vous informer, donner la parole à celles et ceux qui ne l'ont pas et jouer notre rôle de contre-pouvoir dans une société qui devient de plus en plus opaque. En participant financièrement (même 1€ compte) vous faites en sorte que ce travail continue.

Toufik-de-Planoise

Toufik-de-Planoise

Un Ours qui parle, et qui écrit aussi.