Besançon : jugée pour avoir exhibé une pancarte « ACAB »
Une manifestante, mineure, était jugée, hier mercredi 14 juin, au sein du tribunal de grande instance de Besançon. Elle était poursuivie pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique », après avoir exhibé une pancarte « ACAB » lors d’un rassemblement devant le commissariat de la Gare-d’Eau. Ayant reconnu les faits et leur caractérisation, la prévenue a reçu un avertissement pénal probatoire et devra rédiger une lettre d’excuses en réparation du préjudice.
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Un avertissement et une lettre d’excuses.
Le 26 avril dernier un rassemblement était improvisé à la Gare-d’Eau, en soutien au syndicaliste Frédéric Vuillaume et au journaliste Toufik-de-Planoise alors placés en garde-à-vue. Une jeune manifestante souhaitait exprimer sa colère contre la répression policière, brossant un message pour l’occasion. L’objet du litige tient alors en quatre lettres noires, explicites : « ACAB », acronyme anglais de « All Cops Are Bastards » (« Tous les flics sont des salauds »).
Apercevant la pancarte juchée en face de leurs bureaux, plusieurs fonctionnaires sont dépêché-e-s sur place et interpellent illico sa détentrice. Reconnaissant pleinement la définition offensante accordée à ses écrits lors de son audition, la mineure passera quelques heures au commissariat jusqu’à l’arrivée d’un parent. Non sans un renvoi devant le tribunal, au motif d’un « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique » (article 433-5 du code pénal).
Hier mercredi 14 juin, l’audience fut brève et à huis-clos. Le cas aurait pu être traité au pénal, ont indiqué les magistrat-e-s, mais ont finalement opté pour un « avertissement pénal probatoire » (mesure remplaçant le « rappel à la loi », depuis le 1er janvier 2023). Pas de poursuites ni de casier judiciaire, mais un précédent qui pourra s’ajouter à toute nouvelle infraction pendant deux ans. En réparation du préjudice, une lettre d’excuses destinée à la police devra aussi être rédigée.
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Chats et Clitoris.
Les cadres légaux et jurisprudentiels précis autour du mot « ACAB » étant flous, la constitution même d’un délit demeure encore aujourd’hui contestée. Ainsi le 19 janvier 2019 à Nancy un internaute était relaxé du chef d’outrage, alors que le 15 janvier 2021 dans le Finistère la pose d’un tel autocollant sur un véhicule était analysée comme conforme à la loi. Mais la tendance s’inverse depuis quelques années, les exemples de sanctions se multipliant partout en France.
Ainsi le 25 mai 2021 à Arras, un homme était condamné pour avoir crié « ACAB » lors d’un cortège ; le 9 mai dernier à Montpellier, une banderole était décrochée sur ordre préfectoral et une enquête ouverte ; le 4 septembre prochain à Pau, un homme est renvoyé en correctionnelle… une orientation stricte également adoptée par d’autres états, comme aux Pays-Bas, en Espagne, ou au Luxembourg. Mais qui trouve, là encore, petit à petit, avec le temps, des limites.
À Madrid en 2016 la condamnation d’une habitante avait été annulée, les juges constatant que le logo « ACAB » sur son sac était sous-titré d’un « All Cats Are Beautiful » ; une référence féline, qu’on retrouve aussi dans la version « All Clitoris are Beautiful. » Une perméabilité, encore acquise avec la cour constitutionnelle d’Autriche le 18 juin 2019 : s’appuyant sur l’article 10 de la CEDH, ces sages ont considéré que la critique s’inscrivait dans le champs de la liberté d’expression.
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Photographie d’en-tête : le 1er juin 2023, avenue de la Gare-d’Eau, lors d’une manifestation dénonçant les violences policières, une participante exhibe une pancarte reprenant l’acronyme « ACAB » stylisé avec des cœurs – image d’illustration.
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