Chalon-sur-Saône : une gilet jaune jugée pour avoir caricaturé un commissaire sur Facebook
Dans un contexte trouble à nouveau marqué par l’actualité, les garanties offertes par « notre Démocratie » sont abondamment interrogées mais surtout défendues. Hélas il n’en est pas toujours de même concernant les opinions politiques hostiles au pouvoir, comme le démontrent plusieurs dossiers émergeant en Bourgogne/Franche-Comté. Dernièrement, c’est une membre des « gilets jaunes » de la région de Chalon-sur-Saône qui en a fait l’expérience. Pour avoir publié une image « carnavalesque » d’un commissaire de la ville sur les réseaux sociaux, elle a fait l’objet d’une audition et d’un renvoi en correctionnelle. L’audience, fixée en février 2021, devra trancher sur la culpabilité de la prévenue.
On peut rire de tout…
Après l’assassinat de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine vendredi dernier, une « union sacrée » n’a pas manqué de se former à l’instar du mouvement ayant suivit les attentats de Charlie Hebdo. Liberté d’expression, droit à la caricature, éloge du blasphème, ont notamment été érigés en leitmotiv. Mais alors que ces principes étaient solidement exhibés par la rue et les institutions, certaines réalités ont fait voler en éclat ces belles illusions. Radio BIP/Média 25 révélait déjà dans un article du 31 juillet 2020 qu’un activiste jurassien était poursuivit pour avoir dressé une simple banderole « Macronavirus » sur la porte de son garage ; il a depuis écopé d’un rappel à la loi.
Mais ce cas ne semble pas être une exception. Nous avons ainsi été sollicités par une militante bien connue de Saône-et-Loire, également visée par une procédure similaire. Le 1er mars 2020 celle-ci diffuse publiquement sur son compte Facebook une photographie, qu’elle précise avoir préalablement récupérée ainsi sur un groupe privé. Réalisée à l’occasion des festivités du carnaval de Chalon-sur-Saône, cette illustration présente un fonctionnaire qui s’avère être le commissaire divisionnaire de la commune. En uniforme et dans l’exercice de ses fonctions, l’agent n’est toutefois pas reconnaissable puisque affublé de divers artifices loufoques ajoutés avec l’application « Paint. »
La dérision républicaine, du label au bâillon.
La liste et la nature des pièces à conviction forcent effectivement l’épouvante : une couronne contenant un arc-en-ciel, un petit drapeau pirate, des lunettes de soleil, une cigarette, une aubergine et deux cerises en substitution d’attributs virils, et, horreur, la fameuse chasuble. Qu’on apprécie ou non ce trait d’humour, rien de vraiment criminel à retenir. Mais le « gardien de la paix » visé ne l’entend pas de cette oreille, et ainsi toute une mécanique va se mettre en œuvre. Fin avril 2020, l’autrice est contactée par téléphone afin de lui indiquer une audition libre à venir. Elle reçoit bien dans la foulée une convocation pour le lundi 4 mai suivant à l’hôtel de police, qu’elle honore accompagnée d’un avocat.
Captures d’écran à l’appui, elle apprend donc que la « victime » de ce pastiche a déposé plainte. Une enquête préliminaire ayant été lancée, il lui est reproché une « injure publique » caractérisée par « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective. » Avec à la clé un renvoi au tribunal judiciaire de Chalon le vendredi 19 février 2021 à 08h30. Pour Sophie, l’effroi a laissé place à la colère. « Un détournement potache qui vise les forces de l’ordre, sans insulte, menace, ou propos choquant, ça mérite ce traitement ? Il semble que l’affirmation des principes de liberté et de satire n’existent pas pour les opposants. » L’affaire, qui commence seulement à s’ébruiter, pourrait bien provoquer quelques vagues…