Réformes des retraites : un procès et deux relaxes
29 juin 2020
Toufik-de-Planoise (97 articles)
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Réformes des retraites : un procès et deux relaxes

Ils étaient une soixantaine le lundi 15 juin esplanade des Droits de l’Homme, affichant leur solidarité aux prévenus.

L’un est syndicaliste et figure des gilets jaunes, l’autre est un militant autonome de longue date. Ils étaient jugés dans le cadre d’actions liées à l’opposition de la réforme des retraites, qui avait réunie plusieurs milliers de contestataires à Besançon dés le 5 décembre dernier. Après les cortèges « officiels » du matin, il leur est reproché d’avoir engagé le défilé au-delà du raisonnable. En cause, sur deux dates, un « sit-in » et une barricade. Ce lundi ils viennent d’être relaxés des charges d’entrave à la circulation, seule la qualification de dégradation ayant été retenue par le tribunal contre l’un d’eux (*).

Nous étions présents à l’audience, dont suit la retranscription : Devant le palais de Justice, ils sont une bonne soixantaine de soutiens à s’être rassemblés. Mesures sanitaires obligent ils devront patienter à l’extérieur du bâtiment, mais l’ardeur des slogans et des pancartes n’en est que plus forte. Une dizaine de personnes désignées par les mis en cause sont autorisées à assister à l’audience, devant alors montrer patte blanche à l’escorte d’agents de sécurité et de police déployés. À 17h00, la séance débute.

À la barre, les prévenus s’avancent. Fred, père de famille et salarié de la fonction territoriale, est aussi cadre local de Force ouvrière, arborant la fameuse chasuble depuis le 17 novembre 2018. Boris était quant à lui encore récemment étudiant, par ailleurs libertaire très engagé dans les mouvements sociaux. Les débats sont menés par la présidente Natacha Diebold habituellement JAF, le ministère public étant pour sa part incarné par le procureur de la République Étienne Manteaux.


De l’entrave volontaire à la circulation…
Les faits litigieux sont énumérés. Fred est d’abord accusé d’avoir volontairement « entravé la circulation » (L-412-1 CR) le 17 décembre 2019 par un « sit-in » aux abord de la City ; il est aussi impliqué comme « complice de ce délit » par sa présence dans un important blocage le 9 janvier 2020 à Micropolis, pour lequel Boris apparaît comme co-auteur principal avec l’inculpation supplémentaire en récidive de « dégradation » (322-1 CP) par l’incendie d’une poubelle.

La présidente souligne qu’en GAV le recours au silence est unanime, puis questionne le quarantenaire en expliquant que suite au cortège de décembre une centaine de téméraires se sont retrouvés avenue Siffert. Elle demande à Fred si il a un rôle dans l’interruption du trafic routier, comme l’exposent procès-verbaux et archives photos. Il répond : « J’étais là contre l’attaque d’un acquis social, souhaitant solliciter des politiques réunis avec le Préfet Joël Mathurin. »

Il poursuit : « nous avons fait usage de notre droit de manifester, et sommes partis dés la charge des forces de l’ordre. » Elle réplique : « la police est intervenue pour vous disperser, mais vous avez ordonner de rester. » Il réfute, indiquant que les fonctionnaires ont presque immédiatement fait marche sur la foule, procédant à une « chasse » jusqu’à Battant où il a été interpellé. « Plusieurs uniformes m’ont sauté dessus, étranglé, menotté, et je suis parti pour 24h de garde-à-vue. »


à la barricade.
La présidente reprends, évoquant le cas de janvier. Elle décrit une partie du cortège se détachant pour poursuivre en-dehors des appareils et cadres dédiés, disposant du mobilier urbain sur la rocade de Micropolis. « En 2010, nous avions brûler des pneus au même endroit avec le syndicat… nous n’avions jamais été inquiétés à l’époque ! » se remémore Fred. La magistrate s’interroge si il est un leader, le soupçonnant « d’haranguer les masses » et notant « son expérience ancienne. »

Il lui oppose qu’il est juste un participant, bien qu’opiniâtre. Et qu’il utilise son mégaphone pour émettre des slogans, la colère qui s’exprime n’ayant pas besoin de porte-voix. Avant de revenir sur les courriers, contraventions, garde-à-vues, perquisitions, touchant également ses proches, et la traque dans les rues de Planoise ce jour-là. « J’ai quarante-huit ans, et des décennies d’activisme. Avant les gilets jaunes, je n’avais jamais connu la GAV. J’en ai fais six en moins de deux ans. »

Son interlocutrice admet qu’il n’a pas une participation directe : « mais vous voyez une palissade et un foyer. Avez-vous des limites ? » « Oui. Mais traditionnellement, ce que vous évoquez a toujours exister et ça n’avait jusqu’alors jamais poser de problèmes. » À Boris, deux points sont soumis : « étiez-vous présent, et reconnaissez vous avoir mis le feu à cette benne ? » il répond par l’affirmative, confondu par son arrestation et les images de vidéosurveillance bien que masqué.


« 1 % de la population ne peut pas bloquer le reste de la société. »
Le procureur de la République entame sa plaidoirie. Il affirme comprendre le désir de changement voulu, mais rappelle que des règles existent dans un état de Droit. « La liberté de manifester et de s’exprimer est garantie et protégée, et j’ai à cœur de moi-même défendre ces principes y compris pour les gilets jaunes. Mais une manifestation doit être déclarée et les modalités négociées avec la Préfecture, afin que les services de police protègent les participants et les autres usagers. »

Il enchaîne : « on ne peut pas tolérer que 1 % de la population bloque le fonctionnement d’une société, par ce que quelques-uns décident de s’affranchir du cadre commun. Il y’a des décisions, prises et appliquées démocratiquement. Les faits sont caractérisés. Fred a fait barrage par sa personne en décembre, et si j’exclue qu’il ait organiser les atteintes aux biens en janvier, il a contribué et été complice par l’organisation de cette opération et son aura de meneur. »

Et de conclure : « Concernant Boris il a avoué sa participation, il n’y donc aucune difficulté le concernant. Je réclame deux mois de prison avec sursis et cinq-cent euros d’amende pour le premier, quatre-vingt heures de TIG à réaliser dans les dix-huit-mois sous peine de deux mois de prison ferme pour le second compte-tenu de ces antécédents. » Craignant qu’ils ne soient interdits de manifester, les deux compères et le public poussent un petit soulagement.

(*) Édit du dimanche 05 juillet 2020. Contrairement à ce que nous affirmions le lundi 29 juin dernier, Boris tient à rectifier l’information d’une relaxe généralisée. Il a en effet été reconnu coupable concernant les faits de dégradation, et condamné à un travail d’intérêt général de quatre-vingt heures à effectuer dans un délais de dix-huit mois à compter du délibéré encourant autrement deux mois de prison ferme. La peine infligée est par ailleurs conforme aux réquisitions du procureur.

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