Anne Vignot sur Planoise : « nous n’allons pas faire une révolution culturelle. »
Une troisième réunion de « concertation » s’est déroulée mercredi 30 juin dernier à Planoise, afin d’échanger avec les habitants à propos du NPNRU et au-delà. Si la voirie et les espaces publics devaient être les principaux enjeux de la soirée, les débats se sont rapidement axés sur bien d’autres interpellations. Tranquillité publique bien sur, mais aussi démographie, zone franche urbaine, et avenir de la passerelle Allende. Trois heures de discussions, souvent détonantes.
Une centaine de participants étaient comptés au plus fort de l’événement, dont plusieurs élus et représentants locaux. Vidéos, croquis, tableaux, ont été présentés à l’auditoire, en présence de la Maire de Besançon Anne Vignot et pour la Préfecture Messieurs Thomas Prouteau et Didier Chapuis. L’ambition ? « Faire de Planoise un quartier apaisé, en phase avec les valeurs actuelles, pour ramener l’investissement et les promoteurs, afin qu’il y fasse bon vivre. »
« Nous ne souhaitons pas dépeupler Planoise. »
Figure majeure et fondatrice du journal « la Passerelle », c’est Joëlle Cailleaux qui la première lance un pavé dans la marre. Celle-ci espérait connaître les projections démographiques attendues sur cette zone, la donnée étant nécessairement fondamentale quant au visage du futur quartier. Dans un premier temps, la tribune s’est montrée assez évasive et générale.
En effet avec 21 300 habitants en 1999 selon l’INSEE, Planoise-Châteaufarine représentait la quatrième entité urbaine de Franche-Comté. Derrière le reste de Besançon, ainsi que Belfort et Montbéliard, mais bien devant Pontarlier, Lons-le-Saunier, ou encore Vesoul. Avec le premier plan ANRU de 2007 à 2011, le secteur est passé à 17 861 âmes en 2014. Ambitionnant d’accueillir quelques 40 000 planoisiens dans les années 1970, le déclin semble clairement consommé.
Yannick Poujet tente alors de rassurer : « nous ne souhaitons pas dépeupler, à terme nous prévoyons une régression de 2 000 habitants. » Toutefois des doutes sont vite exprimés, les pertes pouvant être plus lourdes : « 1 200 appartements seront détruits, et selon la charte du NPNRU presque aucun des occupants concernés ne sera relogé sur place… le calcul est simple : avec deux à trois individus par foyer en moyenne [2,12 pour être précis] on parlerait donc d’au moins 2 500 personnes. »
Si « tout va bien » à l’horizon 2025, Planoise deviendrait ainsi l’égale des Chaprais ou de Saint-Claude. Quant à savoir si l’éclatement de cette concentration constituerait in fine une disposition appréciable, chacun aura son avis. Le choix de détruire les bâtiments confortables du square Van-Gogh peut ainsi constituer un contre-exemple face à une rhétorique évidente, aussi de l’urbanisme à la sociologie difficile de dire si « déraciner » pour l’ailleurs suffira à juguler les maux.
La Zone Franche Urbaine, aubaine ou fiasco ?
Autre difficulté, celle des actifs et de la pauvreté à Planoise. Les chiffres sont éloquents : 30 % de chômeurs, près de 70% de ménages à bas revenus, des ressources médianes mensuelles de 1 040€… Il était donc primordial d’obtenir un bilan de la « Zone Franche Urbaine » (ZFU), dispositif instauré depuis 2004. Il permet des exonérations fiscales – impôt sur les bénéfices et cotisations sociales – pour les entreprises implantées sur place, afin d’y favoriser l’emploi des plus jeunes et défavorisés.
Or régulièrement des voix s’élèvent pour dénoncer des abus, certains groupes du parc LaFayette et les entreprises boîtes aux lettres étant surtout visés. Avec les rares chiffres officiels et publics, impossible de connaître le nombre exact de salariés sur le secteur ni le pourcentage de planoisiens. On saura seulement qu’en quatorze ans, ces derniers auront représenté au total 575 embauches réparties sur les 1 611 établissements actifs comptés en 2019… dont deux pour toute l’année 2018 !
Un bilan qui semble donc bien léger, et qui n’est pas mis en rapport avec le manque à gagner des contreparties offertes, quantifiées en millions d’euros. Thomas Prouteau s’est défendu en expliquant que « les sociétés sont invitées à recruter les jeunes des quartiers prioritaires » tout en soulignant que « l’embauche reste une liberté économique, et qu’il faut encore que ces gens aient le profil recherché. » Avant de concéder que « non, il n’y a pas d’obligations chiffrées. »
Pourtant, certaines réalités semblent infirmer cette dernière objection. Ainsi par exemple l’URSSAF exigeait pour sa part qu’une proportion d’un minimum un tiers des salariés soient issus d’un des territoires concernés de la Métropole, quand d’autres Municipalités telle La Seyne-sur-Mer ont affichées un seuil allant jusqu’à la moitié des effectifs. Mais, à Besançon, grosse déception, comme le confiera un élu en off : « nous n’avons jamais vu d’évaluation détaillée à ce sujet. »
La passerelle de la discorde.
Visiblement lassée de ce type de discours, une mère de famille n’hésites pas à se fâcher : « on a abandonné la jeunesse. » Anne Vignot tient alors à s’expliquer, assez émue : « la politique sociale qui a été menée jusqu’alors n’a pas été à la hauteur. La situation s’est dégradée, bien des choses n’ont pas marché. Nous venons d’arriver, et la tâche est considérable à Planoise comme partout. Mais je veux avertir : il y a des injustices, et nous n’allons pas faire une révolution culturelle. »
Les prises de parole sur la sécurité et les incivilités sont nombreuses et répétitives, mais la Maire se félicitant de l’arrivée de 83 policiers nationaux promet une prochaine entrevue dédiée avec le DDSP Yves Cellier. Passé 23h00, le thème de la réunion va à nouveau être éclipsé. Au menu, la conservation de la passerelle rouge Allende concentre les esprits. Sujet épineux… et explosif. Devenu particulièrement vétuste et dangereux, l’édifice semble condamné. Sans appel possible.
Le président du conseil citoyen, Hippolyte Assogba, ne mâche pas ses mots. « Nous sommes opposés à la démolition de cet élément emblématique, c’est un crève-cœur pour la population ! » Alors qu’Anne Vignot pensait clore le sujet en une poignée de mots, Joëlle Cailleaux enfonce un peu plus le clou. « Ici, quand quelque chose est beau, on le néglige, on le laisse dépérir, et on le vire. Les arceaux place Cassin ou la sculpture-totem du giratoire Île-de-France, c’était déjà ça. »
Touchée, la Maire se fait incisive : « Ma priorité, c’est l’éducation, la culture, les équipements sportifs. Quand un gymnase prend l’eau ou que les fenêtres de maternelles sont bringuebalantes, il y a urgence. Il ne faut pas s’attacher qu’à des symboles, je comprends votre douleur mais j’ai un budget. Nous devons déjà investir dix millions dans les écoles, sans oublier le plan covid et la relance qui vont devoir être payés. Même avec toutes les pétitions du monde, ma décision est prise. »