Fred’ Vuillaume, énième procès d’un innocent
Le syndicaliste et gilet jaune de Besançon entamait ce jeudi son troisième marathon judiciaire, à nouveau incriminé en marge d’une mobilisation sociale en décembre dernier. Selon le Ministère Public il était cette fois inquiété pour avoir joué les prolongations, alors que la procession tournait à la révolte. C’est accompagné d’environ quatre-vingt camarades que Frédéric Vuillaume s’est présenté au TGI de Dijon, tendu mais déterminé à soutenir sa cause. Il n’aura fallu que quelques minutes aux magistrats afin de prendre leur décision, la relaxe pour charges insuffisamment caractérisées. Une claque pour le Parquet. Retour sur le déroulement de cette audience.
Police floutée, police pas nette.
Les débats concernent la manifestation dijonnaise du samedi 5 décembre 2020, où quelques 2 000 protestataires s’étaient élevés contre la loi dite « sécurité globale. » Un contingent comtois avait fait le voyage pour l’occasion, au sein duquel Frédéric Vuillaume. C’est sa présence, où plutôt son maintien dans ce cortège, qui lui est aujourd’hui reproché. Alors que des affrontements se produisent à partir de 15h30 aux abords de la place Wilson, les forces de l’ordre décident de mettre fin à l’événement et procèdent à la dispersion des participants. Les plus téméraires sont pourchassés et arrêtés, à l’instar du militant qui est intercepté par la BAC rue Colomban peu avant 17h00.
La présidente égraine les éléments du dossier, relevant d’abord le port caractéristique d’une pancarte « police floutée – police pas nette. » Mais certains développements ultérieurs prêtent rapidement à interrogation quant au récit livré, notamment un « procès-verbal de contexte » présenté comme central qui n’a été versé que la veille ou l’interpellation qui apparaît en trois heures différentes au gré des uniformes. Toujours est-il que le Parquet entreprends les poursuites pénales à jusqu’à son terme, la qualification retenue étant une « participation à un attroupement après sommations » (431-4 CP). À la barre, le prévenu réponds sereinement aux demandes.
« Vous êtes trop remarqué Monsieur Vuillaume. »
« J’ai manifesté comme d’habitude avec vigueur, pourvu de cet écriteau » confirme le quinquagénaire. Il poursuit : « je suis venu de Besançon, et soumis à une contravention lors d’un barrage… l’agent refusant le motif de dérogation. J’ai pu rejoindre le défilé organisé dans le cadre d’un appel intersyndical. Au bout d’un moment il y’a eut des incidents, mais je n’ai remarqué aucune sommation. Vers 16h30 j’ai suivi plusieurs personnes car je connais mal la ville, et croisant des policiers je leur ai demandé mon chemin. Ils m’ont attrapé à sept, en criant « montre tes mains » puis « taser, taser ! » J’ai été ramené au poste menotté, à ce point entravé qu’un certificat médical en atteste. »
« Vous êtes trop remarqué Monsieur Vuillaume » aurait lâché un fonctionnaire, pour seule justification aux réclamations qui gagnent le captif. Qui sera retenu durant 45h00. Scandalisé, il reprends le fil de son passif. « Je suis activiste depuis plus de quinze ans, en particulier au sein de Force Ouvrière. C’est seulement depuis un certain 17 novembre 2018 que la Justice s’intéresse à moi, n’ayant jamais été en délicatesse auparavant. En enfilant un gilet jaune, j’ai subi sept gardes-à-vue, une perquisition, et il s’agit là de mon troisième procès en correctionnelle. Je suis clairement ciblé, et cela pèse. Mais ce que je fais est légitime, j’exerce mes droits. Jamais je ne le renierai ! »
350€ d’amende avec sursis.
Le Procureur de la République indique d’entrée qu’il n’entends pas juger les convictions de Frédéric Vuillaume, pleinement garanties et défendues. Mais si il constate que la manifestation était bien déclarée, le magistrat avise également qu’il en est autrement lorsque la situation dégénère. « À partir de 15h45, les limites fixées de la place Wilson ont été franchies. Environ 350 radicaux se sont alors engouffrés rue Chabot Charny, attaquant le cordon de CRS avec des bombes artisanales, mortiers, projectiles, et incendies. L’ordre doit être assuré, c’est pourquoi la dispersion a été ordonnée. Deux séries de trois sommations ont été faites, à 15h41 et 15h56. »
Considérant que le bisontin connaît ce type d’instruction et qu’il est identifié, il requiert une peine de 350€ d’amende avec sursis. Relâchement dans le public, un voisin analysant cette réclamation comme une « tentative flagrante de sauver les meubles. » Maître Jean-Michel Vernier entre en scène, et ne mâche pas ses mots. « Ces échauffourées sont inadmissibles, mais ce n’est pas notre problème. Mon client est là pour défendre ce qu’il estime juste, la liberté d’expression n’a rien de répréhensible. La vérité c’est qu’il est en ligne de mire, car il fait trop de bruit. Il est fiché aux RT, et soutenu par Amnesty International. Cela ne peut être plus politique. » L’avocat enfonce le clou.
L’accusation en PLS.
« Nous avons des témoins qui attestent de la version de Frédéric Vuillaume, et en face des zones d’ombre et des manquements. Le menottage est illégal dans ces conditions ; il a fallu 20h00 aux Autorités pour prévenir son conseil ; la pancarte a été détruite au titre de l’article 41-4 CPP, ce support est-il dangereux ou est-ce en fait l’objet de l’incrimination ? ; le précieux PV a été transmis hier midi et on ne connaît pas son émetteur, ce qui permets de ne pas pouvoir poser des questions gênantes… par exemple, qu’est-ce qui appui le respect des règles édictées à l’article L.211-9 CSI, quel OPJ a physiquement relevé les faits, pourquoi des variations d’heures sur l’interpellation ? »
Alors que la Présidente se tourne de plus en plus machinalement vers le Procureur comme pour quérir des explications, l’accusation est mise KO. « Selon les dispositions, constitue un attroupement tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. Lorsqu’on attrape Monsieur Vuillaume, il regagne seul son véhicule et absolument rien ne suggère son concours à une quelconque velléité. À moins que je ne sois devenu le meilleur orateur de France, les deux relaxes déjà obtenues illustrent un acharnement hasardeux. Je vais donc évidemment plaidé en ce sens. » Résultat qu’il obtiendra sans difficultés.