Palestine : dans les rues de Besançon, l’exigence de paix ne faiblit pas
Chaque samedi à Besançon ce sont jusqu’à 1 500 personnes qui défilent, pour faire infléchir les lignes gouvernementales et arracher un cessez-le-feu en Palestine. Une question d’actualité brulante, à laquelle s’ajoute naturellement celle d’un règlement durable du conflit. Mais si le mouvement dure et s’ancre singulièrement dans le temps, le dernier rendez-vous dénote une baisse de fréquentation. Entre déclin, pause ou reprise, la rue tranchera.
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« Nous voulons que le droit international s’applique, ni plus ni moins ! »
Ce 17 novembre la météo est de la partie mais le départ un peu retardé, le TDoR étant commémoré à 13h30 esplanade des Droits Humains. Les différents protagonistes s’observent, se croisent, se mêlent parfois. Une heure plus tard la banderole « halte au massacre à Gaza » est dressée, avec derrière une foule encore compacte et déterminée qui se forme. Comme chaque samedi désormais, une vingtaine d’organisations s’affairent à coordonner ce rendez-vous de fond et d’actualité. La revendication d’un cessez-le-feu immédiat et durable se joint en effet à des thématiques plus anciennes, comme la nature du gouvernement Netanyahou, les blocus, la colonisation, l’apartheid, ou encore les conséquences du conflit en Cisjordanie, au Liban et en Syrie.
Naïma, la trentaine, venue des Clairs-Soleils, a confectionné sa propre pancarte, comme ses amies. « Personne ici ne soutien le Hamas, quand bien même il est important d’insister sur ses origines pour comprendre. Comme toutes les organisations extrémistes elle n’est pas arrivée de nul part, puisque elle se nourrit du désespoir et de l’horreur. C’est un peu facile de faire la leçon aux gazaouis sur ce point, quand on a Marine le Pen aux portes du pouvoir en étant alimentés et en bonne santé. Je condamne les idées et crimes de leurs représentants, mais grandir dans une prison à ciel ouvert, sans perspective d’avenir, en risquant sa vie et la perte de ses proches, ça peut faire vriller. Tout cela on doit l’expliquer, si on veut repartir sur de nouvelles bases. »
« Vision rigoriste de l’islam, antisémitisme féroce, détestation des féministes et LGBTQIAP+… le Hamas n’est pas et ne sera jamais défendable, dans son programme comme ses méthodes les plus ignobles dont nous avons vu la réalité le 7 octobre. Mais ce n’est pas une raison pour couvrir ou encourager le massacre à grande échelle, la spoliation de biens et de vies, ou les humiliations au quotidien. Nous ne sommes pas dans une bataille de chiffres, mais le seuil des 10 000 à 15 000 morts et 30 000 blessé-e-s a été franchi. On ne peut pas cautionner cela, ni que des écoles, hôpitaux, maisons, soient bombardés, ou qu’un énième exode ne s’impose. Nous voulons que le droit international s’applique, ni plus ni moins ! » développe un activiste de Générations.
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Un mouvement populaire d’ampleur.
Entre le 28 octobre et le 18 novembre, quatre grandes manifestations ont réunies entre 850 et 1 500 personnes dans la capitale comtoise. Une participation significative, en comparaison des précédents locaux (jusqu’à mille le 2 août 2014, quelques centaines le 15 mai 2021) comme des agglomérations voisines (avec des pointes à 400 sur Dijon et Mulhouse, 500 à Nancy, Metz ou Annecy, 1 500 à Strasbourg…). Si l’encadrement reste globalement géré par les associations, partis et syndicats, la sociologie des partisans est quant à elle beaucoup plus large. « Ici, c’est vraiment un évènement populaire ; il y a beaucoup de familles avec enfants, des jeunes et étudiant-e-s ainsi que nombre d’habitant-e-s issu-e-s des quartiers » s’enthousiasme Sasha, membre de l’AEB.
Signe d’une attente ancrée de longue date, un premier rassemblement spontané avait été organisé le 26 octobre place de la Révolution. « En découvrant d’abord que rien n’avait été programmé dans la région, nous avons lancé cette proposition entre voisins et connaissances. Ça s’est fait un peu à l’arrache bien que déposé en Préfecture, mais nous avons pris le temps de soigner la présentation avec des drapeaux, affichettes et slogans. Il y’avait cent-cinquante personnes, mais c’était chouette. L’objectif n’était pas forcément de faire dans la démonstration de force, mais bien de poser un jalon pour amorcer quelque chose de plus grand. Quand nous avons appris que dès le samedi suivant une marche était prévue, évidemment nous nous y sommes ralliés » rapporte Leïla.
Besançon, bastion de l’Est de la France ? le succès et la persistance de ces évènements est certes remarquable, mais ne semble pas surprendre au sein des organisateurs. « Nous sommes dans une ville contestataire de base, les mouvements sociaux sont souvent importants quoi qu’il arrive… mais il faut aussi noter une réelle volonté d’associer toutes les bonnes volontés, à l’image des campagnes de communication réalisées. Rarement j’ai pu témoigner d’un accueil aussi chaleureux, par exemple lors d’un tractage sur le marché des Époisses. Les gens sont réceptifs sur ces sujets et en recherche d’autres points de vue que celui des médias, alors logiquement le contact passe très bien » synthétisent Colette et Norbert, militants NPA et SUD/Solidaires.
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Moment présent, perspectives d’avenir.
Avec un appel par semaine, reste que le rythme est quand même soutenu. Une réserve initiale pour la section bisontine de l’AFPS (Association France-Palestine Solidarité), qui craignait un essoufflement rapide doublé d’une vision trop resserrée de la cause. « Protester dans la rue, c’est important bien sur. Mais en ne se limitant qu’à cela, la population pousse un coup de gueule et les choses ne vont pas plus loin. Il nous faut donc aussi inscrire ces dates dans un engagement plus concret et durable, notamment par des rencontres, débats, projections, permettant de parler de la situation en profondeur et de réfléchir à d’autres formes d’actions » insiste un adhérent. Depuis, une réunion publique le 19 octobre à Planoise et une projection le 17 novembre au FJT des Oiseaux ont été proposées.
Mais l’initiative du monde de la culture à Paris le 19 novembre est à contrario assez critiquée, notamment mise en cause pour son apolitisme jugé hors-sol et déconcertant. « C’est comme si nous marchions de la synagogue du quai Veil-Picard jusqu’à la mosquée Sunna de Saint-Claude, franchement qu’est-ce que ça voudrait dire ? La donnée est avant tout géopolitique, ça n’a rien à voir avec le judaïsme ou l’islam. Les gens qui sont ici défendent des principes et demandent à nos gouvernants de taper du poing sur la table, afin qu’on puisse régler convenablement ce conflit qui n’a que trop duré. Nous ne sommes en rien dans un problème confessionnel ou ethnique, essayer de faire croire le contraire c’est mettre artificiellement de l’huile sur le feu » s’emporte un chibani.
Ce n’est toutefois pas le manque de ferveur qui finira par bousculer la trame instaurée, mais le calendrier. Avec la journée internationale des droits des femmes et des minorités de genre le 25 novembre, une adaptation a dû être nécessaire : pas de défilé parallèle, mais des retrouvailles anticipées statiques et plus modestes. Un rythme saccadé qui aura des répercussions le 2 décembre, seulement quelques centaines de personnes persistant sur les pavés. « Le froid mordant, la préparation des fêtes de Noël, le manque d’information, mais aussi peut-être une certaine lassitude, alors que les offensives militaires viennent de reprendre, ça pèse sans doute à l’instant T » analyse Nassim. Samedi prochain une nouvelle manifestation régionale est déjà annoncée, achevant ou poursuivant l’aventure…
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