Gens du voyage : à Quingey, la polémique de trop ?
Dans le canton de Quingey près de Besançon, la controverse fait rage quant à la présence d’un groupe de gens du voyage. Une déchetterie vient en effet d’être momentanément fermée suite à des dégradations, commises seulement quelques semaines après l’installation de ces nouveaux voisins. Certains habitants et la presse régionale y ont tout de suite vu leur œuvre, relayant et donnant ainsi crédit au panorama tragique des bandits de grands chemin. Sans la moindre réserve, ni davantage de preuves. Car au-delà des titres racoleurs et stigmatisants, du coté de l’enquête policière comme des notables locaux l’histoire est loin d’être aussi tranchée.
« L’opinion, ça se travaille. »
Pour certains chroniqueurs nulle prudence n’est nécessaire, et c’est donc sans détours que la rumeur et le ras-le-bol vont s’attacher à accuser la communauté adjacente. À l’instar d’une page Facebook très en vue sur le territoire, qui n’hésitera pas à affirmer, photographies du campement et du poste électrique en fond, que « depuis l’installation des nombreuses caravanes des dégradations ont été commises à la déchetterie de Quingey. » Si la plateforme a simplement « pour but de réagir et informer sur l’actualité quotidienne », elle s’avère aussi et surtout gérée par une ancienne conseillère municipale plusieurs fois candidate à la mairie sous l’étiquette « divers droite. »
Un point de vue que s’empressera de reprendre le journal « l’Est Républicain » dans son édition du 25 août dernier, indiquant que les atteintes « coïncident avec l’arrivée de plusieurs familles de gens du voyage. » Tout en veillant à utiliser la même ficelle suggestive, l’illustration choisie s’évertuant à mettre sur le même plan l’installation nomade et le complexe visé… pour qui oserait encore émettre un doute sur l’origine et le déroulement des faits. Peu importe si l’enquête débute seulement, et donc qu’il peut sembler un peu prématuré de jeter ainsi en pâture des coupables idéaux en les désignant publiquement et sans indices comme les probables auteurs de l’infraction.
Mais dans ce qui est devenu une chasse aux sorcières, les riverains et représentants que nous avons contacté ne sont pourtant pas tous aussi catégoriques. Un retraité, toujours très impliqué dans la vie locale, et qui entame ici sa soixante-dixième année, porte un discours bien plus nuancé : « On peut émettre des doutes, des interrogations, des soupçons… reste que la présomption d’innocence, elle vaut pour tout le monde. Personnellement je privilégie la piste d’un foyer défavorablement connu dans le village, qui n’en est pas à sous coup d’essai. Mais en l’absence de démonstration, je me garde de le crier sur tout les toits. Le minimum, c’est de faire attention au poids de nos mots. »
La question des « gens du voyage. »
Pour Rémy Vienot, président de l’association « Espoir et Fraternité Tsiganes de Franche-Comté », cette controverse est caractéristique. « J’ai rencontré ces voyageurs, qui ne correspondent en rien aux descriptions avancées. Il s’agit de chrétiens en mission dans la région, et les actes de malveillance ne font pas partie de leurs valeurs. Contrairement à ce qu’on laisse entendre, leur arrivée sur cette prairie n’est d’ailleurs en rien illégale puisque ils se sont arrangés avec le propriétaire. C’est un mauvais procès qu’on leur fait. Quelques pyromanes nourrissent les antagonismes, et depuis les réactions hostiles voir clairement racistes se multiplient. »
Une version corroborée sur place. « Je ne sais pas qui a pu faire quoi, les gendarmes ont été saisi et il faut attendre leurs avis. Mais les évangélistes viennent dans le secteur régulièrement ces dernières années, et jusqu’alors ils n’avaient jamais posé problème. Au contraire, j’ai souvenir de personnes polies, qui ramassaient leurs déchets, et ne se faisaient pas remarquer » abonde une habitante. Une autre souligne avoir toutefois observé « un raccordement à l’eau via une bouche à incendie, même si il était pré-existant. » Mais globalement, en-dehors des positions de principe qui inondent les réseaux sociaux, rien ne permets d’étayer la supputation d’une horde malfaisante et brutale.
Car même dans l’éventualité où une poignée d’individus serait effectivement déviante, c’est finalement toute la communauté des gens du voyage qui se retrouve encore désignée en tant que telle et stigmatisée. « Pas grand monde ne veut faire dans le détail. Entre une famille sédentarisée qui pose effectivement problème depuis longtemps, et une formation religieuse itinérante qui a eu le seul malheur de s’être établie dans la continuité géographique des premiers, au final tout le monde ne voit qu’une suite de caravanes. Et du coup au moindre pépin c’est le groupe qui trinque dans son ensemble, sans distinction ou individualité » conclue une source souhaitant rester anonyme.