Besançon : contre le pass sanitaire, le mécontentement explose
2 août 2021
Toufik-de-Planoise (97 articles)
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Besançon : contre le pass sanitaire, le mécontentement explose

À Besançon, ce troisième samedi de contestation visant le pass sanitaire et le gouvernement enregistre encore une hausse de fréquentation. Il y avait plus de 3 000 manifestants selon nos estimations, mais jusqu’à près de 4 000 pour les organisateurs. Une constante aussi observée dans la région, à Belfort (2 000), Dijon (1 500), et Lons-le-Saunier (1 000). Quoi qu’il arrive donc, des chiffres inédits par rapport à la nature du mouvement et la période à laquelle il émerge. Mais de ce front large et unitaire, les premiers couacs internes pourraient également se faire ressentir.


Le cap des 4 000 opposants atteint ?
Il y avait plus de 3 000 manifestants selon nos estimations, mais 2 500 d’après la Préfecture du Doubs et jusqu’à près de 4 000 pour les organisateurs. Dans cette énième bataille numérique, difficile de trancher d’une donnée aussi délicate et controversée. Ce qui est certain, c’est qu’une hausse de la fréquentation à de nouveau été relevée pour le troisième samedi consécutif. L’observation du cortège engagé de la tour de la Pelote au pont Battant ou de la place Jean-Cornet à Port-Joint permettait de s’en rendre compte. Inédit, en plein chassé-croisé estival.

À minima, le maintien de l’objection est pour tous une évidence. Les leviers qui expliquent cette colère aussi : la demande d’un abandon des mesures sanitaires et le rejet viscéral du Président Emmanuel Macron. L’adoption des premières dispositions législatives n’a pas calmé les antagonismes, loin de là. À l’image d’Étienne, trentenaire actif du Haut-Doubs : « ma mère est en EHPAD, et il sera impossible de la visiter sans ce sésame. Mes rendez-vous médicaux sont pris, mais cela traîne sur plusieurs semaines. En attendant, elle pourrait rester seule. »

Comme lui, la part des « pro-vaccins » présente ne critique pas le principe mais la méthode. « En juin on nous balance que tout doit rouvrir, comme si de rien n’était. La troisième vague était pourtant évidente ! Et comme d’habitude durant cette crise, la volte-face est totale. D’un coup, au mois de juillet, on rend les deux doses quasi-obligatoires. Il n’y a aucune concertation, préparation, ni organisation. C’est tu suis fissa ou tu seras lourdement sanctionné, et tant pis pour ceux au bord du chemin » explique Mélissa, « blouse blanche » d’un hôpital de la région.


Aperçu d’une partie du cortège, rue du Général Sarrail vers 15h15.



« Je ne veux pas d’une société du contrôle. »
Autre frange non-négligeable, celle des conspirationnistes convaincus. En témoigne une résurgence du nombre de pancartes et discours, ce 31 juillet marque un regain de visibilité des conceptions parfois paranoïaques et irrationnelles. Pour leurs partisans, les nuances sont rares et superflues… le virus, les masques, le vaccin, cet ensemble n’est qu’un complot visant à contrôler et juguler la population. Création du covid en laboratoire, doses inoculant un liquide stérilisant, port de vêtements blancs en signe d’adhésion aux thèses de Louis Fouché, en sont autant d’exemples.

Elles s’accompagnent aussi de parallèles douteux avec la seconde Guerre mondiale, allant de l’usage stylisé « SS » en référence aux Schutzstaffel, au visuel reprenant Macron et le logo LREM en croix gammée, en passant par une affiche inscrivant « halte au génocide vaccinal. » Si ces comparaisons infamantes ne semblent pas pénalement répréhensibles, elles constituent tout de même un détournement et une minoration des représentations mémorielles les plus lourdes et sensibles. La situation est assez claire de ce côté là : la vaccination est fondamentalement exclue.

Au milieu, se dessine une majorité des protagonistes. La réflexion est dans un entre-deux complexe, interrogations et arguments se succèdent sans pouvoir dresser des conclusions définitives. Thibault, la vingtaine, est dans ce cas : « Chaque partie à des explications que je trouve pertinentes, je reste donc dubitatif sur la question. Je suis cependant certain d’une chose quelle que soit ma décision sur ce point, c’est que je ne veux pas d’une société du contrôle. Tel que tout cela se présente, on entre dans un mode de surveillance et de restriction qui m’est insupportable. »




Objectifs communs et désaccords consommés.
Si le front est large, les motivations et convictions sont donc très hétéroclites. Il en est de même pour la sociologie abordée le 18 juillet dernier, ou des couleurs politiques… ainsi que le rappellent la Marseillaise et l’Internationale chantées coup sur coup, ou les débats acharnés entre soutien et détestation des forces de l’ordre. Les altercations internes, idéologiques et tactiques, parfois violentes, se sont éveillées. Convergences ou disparités, l’équilibre est souvent précaire. Combien de temps ces mots d’ordre peuvent-ils rassembler des profils aussi éclatés ?

Pour l’instant, en tout cas, l’alchimie fonctionne. La place du Huit septembre, où les traditionnelles allocutions se déroulent, était noire de monde. Après deux heures de déambulation dans le centre historique, le cortège s’est rendu à Chamars/Préfecture au contact de la police nationale et des gendarmes mobiles. Street-medics, gilets jaunes, militants syndicaux, et simples « citoyens », sont restés jusqu’au bout. Bien des révoltés ont alors revêtu lunettes de piscine et masques à gaz, ce qui suggère une évolution des comportements anticipant les affrontements.

Nulle péripétie cette fois, aucune échauffourée n’étant signalée malgré deux bouteilles d’eau déversées sur les uniformes. Le réseau de transports en commun à quant à lui beaucoup plus souffert, des perturbations étant enregistrées sur les principales lignes pendant l’après-midi. Jusqu’à 18h00, les derniers téméraires se sont massés sur le carrefour afin de profiter d’un « sound system » improvisé. La pérennité de cette fronde durant le mois d’août apparaît acquise, reste à savoir maintenant la réaction des pouvoirs publics et les effets de la prochaine rentrée.


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