Militant d’extrême-droite jugé à Dijon : « vous l’avez laissé pour mort »
27 mai 2021
Toufik-de-Planoise (97 articles)
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Militant d’extrême-droite jugé à Dijon : « vous l’avez laissé pour mort »

Jeudi dernier au TGI de Dijon, deux prévenus comparaissaient pour des violences qualifiées d’inouïes. Après trois renvois dont l’un pour une « perte du dossier », les parties civiles ont enfin pu exprimer leur désarroi et obtenir réparation. Eddy M. et Julie D. ont été reconnus coupables, lourdement condamnés malgré l’absence d’antécédents. Une audience qui fait écho aux convictions extrémistes du principal accusé, bien qu’elles n’aient pas émergé durant les poursuites. Car cette caractéristique pourrait être une clé, et nourrir d’autres affaires à ce jour sans suites.


L’histoire banale d’un arrêt-pipi.
Les deux prévenus s’avancent à la barre face aux magistrats, se prêtant au traditionnel examen de personnalité. Eddy M., vingt-deux ans, domicilié à Dijon, chauffeur-livreur, casier judiciaire vierge, est le principal protagoniste de ce dossier. Reconnaissable par sa veste de marque Fred Perry et sa coupe très courte, le jeune homme s’explique avec assurance mais maladresse. Son ancienne copine, Julie D., vingt ans, qui n’a également jamais été en délicatesse avec la justice, au gabarit frêle, apparaît plus mesurée tant dans son implication que dans la forme de ses réponses.

Tout deux doivent s’expliquer sur de graves violences, commises dans la nuit du 6 octobre 2018 aux abords du bar « le Vieux Léon » rue Saumaise. La présidente déroule les faits, particulièrement glaçants. « Monsieur. En repartant d’un établissement où vous aviez passé la soirée, vous vous êtes arrêté dans une ruelle pour uriner. À ce moment là un riverain vous aperçoit, et excédé par ce type de comportement décide de vous sermonner. Il aurait ensuite pris son téléphone, pour capter l’infraction et ainsi récolter des preuves. C’est là que les coups commencent. »

Une brutalité presque indicible tant la victime est tabassée, et abandonnée agonisante sur la chaussée. Un moment. Car si l’agresseur feint de repartir, c’est pour mieux revenir quelques minutes plus tard accompagné de sa petite-amie de l’époque. Pour achever le travail ? Personne ne le sait. Toujours est-il, qu’entre-temps, des tiers se sont empressés d’assister le malheureux. Et que cette rencontre va donner lieu à de nouvelles velléités. Si Eddy M. marmonne des excuses, il décontenance aussi parfois en affirmant par exemple que certains de ses accusateurs « jouent la comédie. »


« Une scène apocalyptique. »
« Je ne suis pas un animal » tente finalement le mis en cause, dont la sauvagerie devient l’objet des débats. Une affirmation que ne partagent donc pas les parties civiles : « Il est fait mention d’un choc qui rend mon client inconscient, de fractures multiples et significatives, de sang coulant de ses oreilles, d’un traumatisme tel qu’il garde une amnésie totale de ce jour, et alors qu’il est au sol d’un coup de pied façon penalty en pleine tête… et ça ne semble pas encore assez, car cet individu revient sur les lieux et engage de nouvelles agressions. Une conduite à la Orange mécanique. »

Une planche photographique est adressée à la cours, pendant que les effets psychologiques et dommages sont égrainés. Désormais à la manœuvre, le Procureur se montre aussi ferme : « La scène est chaotique. Vous l’avez laissé pour mort. Ce type d’affaire, on en traite annuellement deux ou trois dans ce tribunal. Et le comportement de chacun ne plaide pas en leur faveur. La désinvolture de Monsieur et les sourires de Madame à l’évocation des sévices montrent qu’ils ne comprennent pas. Je requiers dix-huit mois de prison avec sursis pour le premier, douze pour la seconde. »

La défense s’attache à exploiter les éventuelles failles, notamment au niveau des témoignages. Elle demande à ce que les circonstances aggravantes de « réunion » soient retirées, et souhaite relativiser ce qu’elle juge être dans un second temps une « bousculade. » La décision rendue accède en partie à ses requêtes, mais reconnaît les prévenus coupables au titre des articles 222-11 et 222-12 du code pénal. Eddy M. écope de trente mois dont vingt avec sursis et dix sous bracelet, Julie D. de huit mois ; et ils doivent à eux deux près de 15 000 euros d’intérêts divers.


Eddy M., militant faf de son état.
Si Eddy M. est un néophyte des prétoires, il n’est toutefois pas inconnu du milieu local d’après plusieurs sources concordantes. Une particularité absente de l’audience, l’information n’étant ni remontée auprès des différentes parties ni en jeu durant l’instruction. Toutefois et alors que Parquet et victimes se demandaient clairement les motifs d’une telle haine, cet aspect aurait sans doutes permis d’apporter quelques pistes. Le dijonnais est ainsi un ancien redskin qui se définissait « apolitique », avant de lentement dériver au sein de l’extrême-droite.

Ami d’enfance de Jeremy L., proche de Benjamin L., Matthieu M., ou encore Pierre-Antoine B., amitiés s’illustrant aussi sur les réseaux sociaux, le nationaliste navigue auprès des figures et cercles radicaux notamment soupçonnés d’avoir organisé l’assaut du 31 janvier dernier. « C’est un électron libre, avec un compagnonnage notoire chez les néonazis du coin » précise un antifa. Qui poursuit en ce sens : « Il a été mêlé à plusieurs descentes ces dernières années, et s’en prends systématiquement aux personnes qu’il juge plus faibles si possible en groupe. »

Un parcours préoccupant qui serait ainsi transcrit dans bien des dérapages, où il est directement cité sur ces seuls derniers mois. Le premier visait des colleuses d’affiches féministes en marge d’un cortège ; le second les participants d’un contre-rassemblement durant les « manifs pour Tous » ; le troisième un membre de la Fédération anarchiste croisé par hasard place de la République. Le passage à tabac de la rue Saumaise fin 2018 serait donc loin de constituer un acte isolé, mais en l’absence de plaintes peu de chance que l’intéressé en réponde un jour.


Illustration : Tisteran – creative Commons.


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