À Besançon, une prière de rue très mouvementée
Ils étaient quelques dizaines de fidèles à prier en plein air, suivant un catholicisme rigoriste assumé. Les organisateurs souhaitaient ainsi réclamer la reprise des services confessionnels, interrompus depuis près d’un mois avec le confinement. Mais alors que d’un côté les syndicalistes battaient le pavé contre la gestion de la crise, de l’autre la convergence quant aux violences faites aux femmes faisait le plein. Pris entre deux feux, le cours de catéchisme a viré au chemin de croix.
Un mystérieux « collectif informel » à l’initiative.
L’événement est apparu de façon aussi soudaine que discrète dans l’agenda social, ayant été diffusé seulement la veille de sa tenue. C’est en effet à travers un appel, envoyé à plusieurs rédactions, qu’un « collectif informel » a annoncé une « manifestation de protestation contre l’interdiction des messes » à Besançon. Qui sont ses membres, leurs conceptions de la foi, la place du diocèse dans cette synergie ? À toutes ces interrogations, rien ne filtrera.
Tout juste quelques informations supplémentaires sont égrainées, dont l’affirmation qu’une déclaration avait été anticipée en Préfecture – laquelle assure avoir découvert le pot-aux-roses à posteriori – et qu’un service d’ordre était prévu. Une adresse électronique est enfin indiquée, dont le libellé « chapelet public » semble pourtant évoquer un office. Mais malgré nos demandes, nous serons invités à venir en chaire et en os afin d’obtenir les réponses aux questions posées.
Une reste aussi en suspend… les éventuelles inspirations et coordinations avec la dynamique nationale à ce sujet. Car depuis une semaine la charge en la matière ne faiblit pas, malgré l’annonce de la réouverture des lieux de culte à partir du 1er décembre prochain. À Nantes, Bordeaux, Versailles, Lyon, Paris, Toulouse, Dijon, ou Poitiers, devant les églises ou les sites emblématiques, l’occupation liturgique du domaine public s’illustre sur tout le territoire.
Les traditionalistes à la manœuvre ?
Une cinquantaine de fidèles ont finalement répondu présents, se positionnant sur le parvis des Droits de l’Homme en retard et en marge. Alors que la cérémonie était prévue pour seize heures, la place se trouvait cependant encore animée par d’autres revendications… plusieurs centaines de personnes étaient concentrées là, mais élevées contre les violences faites aux femmes. La marche des premiers partie dans le centre-ville, le groupe se déploie dés lors pleinement.
Les communiants du jour veillent à respecter les distances sanitaires, pendant qu’une banderole est déployée. Un des responsables prends la parole afin de dresser les grandes lignes expliquant les tenants et aboutissants, mais c’est surtout sous l’égide d’un prêtre que les cantiques débutent. Par mis ses ouailles certains arborent des symboles clairement liés aux catholiques traditionalistes, localement surtout représentés par les fraternités Saint-Pierre et Saint-Pie-X.
Une majorité de participant apparaît liée à cette sensibilité, ce qu’aucun n’a néanmoins voulu confirmer. Mais pas seulement. Aux abords immédiats du site, un individu porteur d’une veste « Lonsdale » est aux aguets ; celui-ci est un militant de l’extrême-droite radicale, déjà identifié notamment le samedi 10 octobre dernier à Dijon sécurisant un défilé contre la « loi bio-éthique » aux côtés de boneheads. Serait-ce donc un exemple des chaperons dépêchés pour assurer l’ordre ?
Hostilité et offensives aussi au rendez-vous.
Si les gestes ne s’expriment pas, reste que c’est bien une prière de rue qui se dessine. Dans un contexte législatif polémique sur le « séparatisme islamiste » et en pleine journée internationale féministe, l’action a du mal à passer. À fortiori, dans une ville réputée « progressiste. » Un premier incident éclate lorsqu’un homme isolé tente d’arracher le visuel « pour la messe » ; il est stoppé net par l’encadrement, qui n’a pas lésiné sur les coups afin de maîtriser l’intéressé.
Mais l’heure tournant, c’est le retour du cortège initial qui va précipiter les choses. Rapidement, les slogans, invectives, et insultes, pleuvent. Le « je vous salue Marie » est prononcé, quand trois femmes décident de mettre un terme au rituel façon « femens… » c’est-à-dire seins nus. L’homme de foi en est pétrifié, et les « secours » n’arrivent qu’après d’interminables secondes. Les adeptes du Christ ne s’éterniseront pas, la dispersion s’amorçant sans autres « dérapages » à noter.
Après les rosaires anti-IVG d’SOS Tout-Petits, l’agitation autour de la manif’ pour Tous, ou encore les tentatives d’implanter les « veilleurs », la capitale comtoise semble demeurer une terre propice aux exhibitions des plus fervents chrétiens. Mais devant désormais compter avec un climat social et économique explosif, cette dernière démonstration s’avère cette fois désapprouvée par l’opinion et les officiels. Ici comme ailleurs, nul n’est prophète en son pays.
À voir aussi : une vidéo amateur de l’irruption façon « femens. »