À Planoise, proches et habitants rendent un dernier hommage à Houcine
Ils étaient plusieurs centaines ce dimanche, mobilisés dans le cadre d’une marche blanche dédiée à la mémoire de ce « gamin du quartier. » L’occasion d’exprimer un sentiment unanime de tristesse et de gâchis, mais aussi de manifester la volonté populaire ferme qu’un tel bilan ne puisse plus jamais avoir lieu. Si sur place les heurts sont largement retombés, les Autorités ne relâchent pas la pression. Mais entre drames et bouleversements, l’avenir de Planoise se drape encore de bien d’incertitudes.
Un défilé sobre et silencieux, pour « que cela n’arrive plus. »
Le 8 mars dernier, Houcine nous quittait. Aussi tragiquement qu’injustement. Pour sa famille, ses amis, ses connaissances, mais aussi nombre d’administrés, cet épilogue ne pouvait rester sans réponse. La traduction d’un ras-le-bol, et d’un réel malaise. La crise sanitaire étant passée par là, il fut impossible de marquer le coup à chaud. Six mois plus tard, l’émotion n’est pas retombée. Abir et Ouasila ne voulaient pas qu’on oublie leur frère, et plus largement qu’un message soit passé.
À quatorze heures, entre deux-cent-cinquante et trois-cent participants se rassemblent devant le bloc où vivait le planoisien. Beaucoup portent un tee-shirt blanc, orné de phrases et symboles afin de marquer un soutien et appeler à l’arrêt des hostilités. La maire, plusieurs adjoints, des conseillers municipaux, ainsi que des figures associatives et locales, ou encore des gilets jaunes, sont présents. Deux grandes banderoles sont déployées, et placées en tête du cortège.
La déambulation traverse la cité de toute part, l’ambiance se maintenant dans un calme lourd de sens. Jeunes et parents forment une majorité des rangs, alors que les riverains témoignent de leur déférence. Seuls les mots et les visages trahissent l’intensité du moment, lorsque une pancarte « à jamais dans nos cœurs » est brandie ou que le désarroi explose par les larmes. L’événement se termine au centre Nelson Mandela, par des accolades et des prises de parole.
Une de ses sœurs se lance, évoquant la déchirure de cette disparition et exhortant à « ce que plus personne ne souffre de la sorte. » Autre espoir évoqué, la réouverture prochaine des frontières pour pouvoir enfin se recueillir dignement… originaires de Khenchela en Algérie, c’est là que les membres du foyer reposent désormais. Après l’observation d’une minute de silence, les organisateurs invitent ceux qui le veulent à échanger et libérer leur émotion.
Du bruit des balles à celui des pelleteuses.
Le jeune homme s’était absenté en cette soirée de fin d’hiver, assurant à sa maman qu’il ne rentrerait pas trop tard. Malheureusement, ils ne se reverront pas. La veille de son vingt-troisième anniversaire, il disparaît tragiquement. Alors qu’il se trouvait avec deux amis à bord d’un véhicule, il semble avoir été pris en chasse jusqu’aux abords de la Chambre de Commerce et d’Industrie. C’est là, après plusieurs rafales, qu’il fut achevé de trois projectiles à bout portant.
Si le rattachement au contexte de « guerre des gangs » ne fait aucun doute, il est tout aussi rapidement acquis que la cible du jour n’avait été qu’un dommage collatéral. Bien connu et apprécié du secteur, Houcine n’avait jamais trempé dans les stup’. Environnement et uniformes l’ont tous confirmé. Quelques arrestations ont depuis été rapportées dans cette enquête aux ramifications tentaculaires, mais d’après nos informations aucune n’a encore permis d’identifier le tireur.
Incendie spectaculaire, règlements de compte de jour et en pleine rue, amoncellement de morts et de blessés, Besançon n’était pas habituée. Depuis, l’odeur de la poudre s’est dissipée ; mais, du côté des pouvoirs publics, la charge sécuritaire n’a pas faibli. Déploiement accru du réseau de vidéosurveillance, création d’un « commissariat de proximité », et annonce d’une quarantaine de policiers en renfort dans la lutte contre le grand banditisme, en sont autant d’exemples.
Sur le long terme aussi, la « troisième ville de Franche-Comté » se métamorphose. Avec le plan de rénovation urbaine, on note en vingt ans la perte du quart de la population. Une mutation qui se poursuit sous la houlette de l’écologiste Anne Vignot, qui espère « construire des alternatives concrètes et durables avec les habitants. » Reste que la paupérisation, l’ostracisme, et l’absence d’horizon, persistants, constituent aussi des enjeux inéluctables.