Cette semaine, je parlerai du regard des Femmes cinéastes, sur l’amour, la sexualité sur la dictature de la beauté, la violence, l’intime dans les films à l’affiche en ce moment : Mémoires d’un corps brûlant d’Antonella Sudassassi Furniz Diamant brut de Agathe Riedinger, The substance de Coralie Fargeat , Animale de Emma Menestan et Rabia de Mareik Engelhardt
Le cinéma questionne la féminité, le féminin avec des films de facture très différente. Jetons un œil.
Le Casque et l’Enclume : Regard des Femmes cinéastes
D’abord, je regrette que le film « Mémoires d’un corps brûlant » ne soit pas resté à l’affiche très longtemps. Quel film ! Il s’agit au départ de la mise en place d’un tournage qui met en scène une femme d’environ 70 ans. C’est une actrice. Il ne s’agit pas d’un documentaire mais d’une fiction. Cette femme s’affaire dans le cadre de sa maison, son espace domestique souvent en chemise de nuit. Filmée comme un labyrinthe cette maison est aussi le lieu de la mémoire. En voix off, on entend pendant toute la durée du film le récit d’une vie de souffrances incarnée par des retours en arrière avec des actrices plus jeunes. De l’adolescente à laquelle on ne parle pas de menstruations, à l’adulte mariée qui subit les violences patriarcales et vit avec un homme avec lequel elle n’a jamais connu l’orgasme jusqu’à la fin qui s’ouvre sur la possibilité d’un amour tardif avec un homme âgé. Le film sonde la vie d’une femme qui est la somme de la vie de la plupart d’autres femmes. L’amour n’a pas d’âge semble nous dire la réalisatrice. Même dans une vie jonchée de défaites, il est possible pour cette femme de se réapproprier son corps et son désir dans la tendresse et la douceur. Véritable gynécée « Mémoires d’un corps brûlant » s’ouvre sur des années de silence et non dits.
Tournons-nous maintenant vers le film « Diamant brut ». Agathe Riedinger la réalisatrice remet en scène la déferlante de la téléréalité nous rappelant l’époque de Loft story. Lyane une adolescente vit à Fréjus avec sa mère en proie de difficultés sociales. Elle fait partie de la génération des ongles longs pailletés, des lèvres augmentées des seins gonflés. Un monde où règnent influenceuses et réseaux sociaux. Elle envoie une vidéo aux organisateurs d’un casting et sa candidature est retenue pour l’émission de télé-réalité en vogue. Mais la réponse définitive tarde et c’est ce temps suspendu que capte la caméra d’Agathe Riedinger. Elle montre l’errance de Lyane hypersexualisée, son rêve de réussite superficiel entre en lutte avec sa vie réelle.
La question de la beauté féminine hante le 7 ème art avec la culture du glamour omniprésente dans le cinéma américain. En conséquence, les actrices luttent constamment contre le temps et les rides à coup de botox ou autres subterfuges. Et aujourd’hui le film « The Substance » s’empare de ce thème par le biais du cinéma de genre. Et même si le côté horrifique du film de Coralie Fargeat peut vous faire peur, il nous parle du déclin d’une actrice à la cinquantaine. Elisabeth Sparkle actrice se voit contrainte d’abandonner son émission d’aérobic. La voilà rejetée et seule cherchant désespérément comment ne plus vieillir. On lui propose une substance. Elle s’injecte un liquide et accouche par le dos d’une autre elle-même très jeune aux fesses rebondies et lisses.
Cette autre femme Lizzie est une partie d’elle-même, un double. Hélas elles ne peuvent vivre qu’en garde alternée. Vous me suivez ? L’une dort pendant que l’autre vit : la plus jeune Lizzie reprend l’émission d’aérobic d’Elisabeth alors que celle-ci mène une vie de femme de 50 ans. C’est la condition pour pouvoir encore incarner une femme jeune. Mais comme chacun sait les règles sont faites pour être enfreintes, la jeune femme qui n’est autre qu’elle-même profite de sa jeunesse, drague et oublie qu’elle doit vivre en garde alternée et se mettre en sommeil pendant une semaine.
Elle mord sur le temps attribué et cela fait vieillir plus vite, l’autre elle-même qui se transforme de façon alarmante. Bref le vieillissement retord accélère et les deux femmes qui en réalité ne sont qu’une deviennent les pires ennemies. Le film finit par fabriquer une femme monstrueuse gonflée de Vortex ; elle perd ses dents et découvre à la fin qu’on ne peut être que soi-même : « Je suis moi » dit-elle. Pourquoi je vous raconte çà ? Eh bien, juste pour vous faire peur ; fuyez le botox et laisser courir les rides sur votre visage, cela vous évitera de vous transformer en « freaks ».
Un autre mutation nous attend dans « Animale » d’Emma Bestan entièrement filmé en Camargue lieu de prédilection pour la réalisatrice. Au milieu d’un monde où les hommes chapautés arpentent des paysages de western, une jeune femme, Nejma, juchée sur son cheval blanc se destine à un concours où elle devra défier les taureaux dans l’arène.
Le film qui au début ressemble à un documentaire se transforme en film fantastique grâce à un véritable tour de force de la réalisatrice. Victime de violences sexuelles de l’un des gardians (Violence non filmée mais présente dans ce décor masculin), elle se transforme en animal et se venge. Une nuit de pleine lune, le film prend des allures de conte fantastique ou le Minotaure pourrait la nuit croiser ces bons vieux loups garous.
Nejama se transforme taureau. Dans Animale le corps féminin soumis à la bestialité, à la domination, s’échappe du rôle qui lui est attribué par les hommes et retrouve une force obscure.
Enfin parlons enfin de Rabia film sur le sort des jeunes filles qui rejoignent Daesch et sont enfermées en attendant un mari. La réalisatrice suit le trajet d’e l’une d’elle. A Raqqa elles intègrent une mafada où sont regroupées veuves, célibataires.
La réalisatrice suit l’une d’elle depuis l’aéroport d’Orly le jour du départ. Une fois installée dans ce lieu d’enfermement, elle subit un régime intransigeant incluant des violences physiques si elles ne se soumet pas. La jeune femme se rapproche de celle qui se fait appeler gérante la maison et devient son associée. Après avoir été soumise, avoir failli être livrée à un violeur, elle devient à son tour un bourreau et bat les filles de la Matafa. Ce qui est rarement montré au cinéma.
Je vous annonce un autre film de femme dont la sortie est prévue le 11 décembre. Le film a été réalisée par Louise Courvoisier. Très applaudi à Cannes « Vingt Dieux » a été tourné dans le Haut-Jura. Nous en reparlerons.
Allez voir aussi « La plus précieuses des marchandises », film regard sur la générosité d’une autre femme : une bûcheronne.
Précipitez-vous pour voir « En fanfare » !
Belle quinzaine cinématographique à toutes et tous !