Retraites : entre essoufflement et sursaut, Besançon au cœur du mouvement de contestation
16 février 2023
Toufik-de-Planoise (97 articles)
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Retraites : entre essoufflement et sursaut, Besançon au cœur du mouvement de contestation

3 à 5 000, c’est le nombre de manifestant.e.s recensé.e.s hier dans la capitale comtoise. Une chute importante de la fréquentation par rapport aux précédents, faisant de cette cinquième journée nationale de mobilisation la plus chétive depuis le début du mouvement. Après des pointes allant jusqu’à cinq chiffres, le gouvernement serait-il en train de remporter son pronostic d’essoufflement ? Pour les organisations syndicales et les protestataires rencontré.e.s, ce reflux décrit comme attendu s’explique surtout par des données conjoncturelles. Pour toutes et tous c’est désormais la date du 7 mars qui prime, prophétisée comme le départ d’une explosion sociale.

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« Se battre pour ses enfants et petits-enfants. »
C’est avenue du Huit-Mai 1945 que le cortège s’est retrouvé, la Préfecture ayant refusé le parking Chamars initialement prévu « afin de ne pas entraver la circulation des services de secours. » Une quatrième date nationale, qui intervient cinq jour après des démonstrations monstres. « On est en pleines vacances scolaires et l’événement a été peu diffusé, difficile de mobiliser dans ces conditions » admet le secrétaire départemental de l’UD-SUD/Solidaires Julien Juif. Sur place, les rangs sont effectivement plus clairsemés : « Nous n’avons été informés que la veille, nous sommes venus mais d’autres n’ont pas fait le déplacement » explique ainsi une famille originaire de Haute-Saône.

La détermination n’a quant à elle pas faibli, pancartes et discussions restant particulièrement hostiles au projet de réforme des retraites ainsi que le quinquennat d’Emmanuel Macron dans son ensemble. Mais le constat est quand même là, presque fataliste après un mois de bouillonnement : « Les jeunes ne se sont pas encore vraiment inscrits dans le mouvement, même si j’en aperçois une poignée ici et là… j’espère donc que d’ici le 7 mars prochain, ça sera le ras-de-marée. C’est aussi avec les facultés et les lycées que les gouvernements finissent par plier, comme en 1995, 2006 et 2010 » se remémore notamment Jean-François, retraité qui entend « se battre pour ses enfants et petits-enfants. »
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Born et Dussopt, catalyseurs de ressentiments.
Plusieurs établissements de l’hyper-centre s’étaient modestement soulevés ces dernières semaines, comme le lycée Louis Pasteur le 31 janvier et l’UFR-SLHS Megevand/Canot le 7 février. « Même si les impacts peuvent paraître lointains, les étudiant.e.s – qui font un travail non-salarié – sont opposé.e.s à cette réforme. Au-delà de nos situations qui se dégradent et des argumentaires généraux déjà solides, nous avons aussi des revendications spécifiques comme la considération de nos années d’étude dans le calcul des retraites. Mais entre la prise de conscience et la révolte, il y’a une tradition de lutte à reconstruire ! » expose Timo., responsable du syndicat « l’Alternative. »

Autant que les mesures litigieuses, l’attitude de l’exécutif en irrite également plus d’un.e. « Les mensonges et mépris de Born, Dussopt et compagnie, c’est aussi ça le moteur de notre colère. Arriver à faire consensus parmi toutes les centrales, c’est quand même un tour de force. Cela montre à quel point le fossé s’est creusé et comment le dialogue social est devenu une duperie » s’emporte Amélie, sympathisante CFDT. L’aile dite « modérée » ou « réformiste » est ainsi particulièrement visible, avec la CFTC, l’UNSA, ou encore la CFE-CGC, peu coutumières de conflits aussi frontaux. Une unanimité inédite, à laquelle s’ajoutent organisations de jeunesse, partis, associations…
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Le 7 mars en ligne de mire.
Dans les rangs, on relève un durcissement de ton… la traduction d’intentions futures ? C’est en tout cas ce qu’espèrent nombre de protagonistes, des routard.e.s aux plus néophytes. « Qu’il y ait moins de monde aujourd’hui, c’était attendu. Il y a trente jours passés derrière nous, l’opinion et la massification sont gagnées mais maintenant c’est la pérennité qu’il faut atteindre. Pour pouvoir taper lourdement le 7 mars, les actifs surtout précaires doivent respirer. L’implication est donc moindre maintenant, mais c’est pour mieux batailler demain » croit François, instit’ membre du SNUIPP. Pour lui, cela devrait passer par une opération « éducation nationale morte » désormais clairement sur la table.

Autre point de tension, la fronde grandissante de certains secteurs hautement stratégiques. Personnel de l’énergie, des raffineries, des transports, mais aussi dockers et cheminots, ont d’ores-et-déjà communiqué leur volonté d’une grève générale et reconductible. D’autres, comme Frédéric Vuillaume, gilet jaune figure de « Force Ouvrière », exhortent à pousser l’agitation plus loin : « Bloquer l’économie, c’est d’abord dans son entreprise que ça se joue. Mais si plus globalement nous pouvons paralyser des points névralgiques d’échanges ou de décisions, il ne faut pas hésiter ! » Une volonté claire de « cortèges sauvages », dont les tentatives sont pour l’instant restées limitées.
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3, 4 ou 5 000 ?
Concernant les chiffres de participation, ils ont créés une controverse… interne ! Si la police valide environ 3 000 personnes, le secrétaire de l’UD-CGT du Doubs José Avillès en a quant à lui annoncé quelque 4 000. « On ne remet pas en doute sa sincérité, mais il était posté au niveau du trésor public [quai Adolphe Veil-Picard]. C’était peu après le lancement de la manif’ et alors que les gens viennent de plus en plus tard, je pense qu’il a donc forcément raté du monde. Ces vérifications, elles auraient sans doute dues être faites au milieu du parcours, avenues Édouard Droz, de l’Helvétie, ou Arthur Gaulard » peste une habituée, qui reconnaît toutefois « une baisse évidente ce jeudi. »

Souvent engagé au sein des défilés locaux, Patrick abonde en ce sens… pour ce compteur aguerri, sa vision était plus proche des 5 000. « C’est rare car méthodes et endroits diffèrent peu, mais oui je suis en désaccord avec les syndicats. » Une analyse qui rejoint nos estimations, depuis la tour de la Pelote : vingt-et-une minutes entre la tête et la fin du cortège, certes loin de la quarantaine allouée au cortège du samedi 11 février et ses 14 000 protestataires allégué.e.s. Mais même en tenant aussi compte des espacements plus flagrants, notre comparatif tablait sur un tiers. Toujours très en-deçà des maximales enregistrées, en somme ; dans l’attente de ce sursaut escompté.
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