Manifestation du personnel des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)
Jeudi 9 juin, devant le Tribunal de Grande Instance de Besançon, le personnel des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) manifestait entre 12h et 14h. L’heure choisie n’est pas anodine, car il s’agit de personnel administratif qui n’a pas le droit de gréve et donc, seule solution: manifester pendant la pause déjeuner.
Nicole Daudey, adjointe administrative SPIP et trésorière à la CGT exprime son sentiment de désarrois : « Nous ne sommes pas nombreux, pas trop bien considérés, et nous avons des difficultés au niveau des salaires et surtout de l’avancement et des charges de travail »
« Au premier mai de cette année, il y avait 1200 personnes placées sous main de justice suivies par le service de Besançon », nous explique la secrétaire au service pénitencier. Ceci engendre au niveau de la gestion des dossiers une charge de travail très lourde et un accueil téléphonique et physique qui en va de même (sic) et malheureusement sans avoir d’indicateurs pour mesurer cette charge.
Une situation compliquée qui ne les empêchent pas d’être solidaires avec leurs collègues travailleurs sociaux qui, nous explique Laure Menoret – secrétaire locale CGT – ont été « les oubliés au niveau de la filière insertion et probation lorsqu’il y a eu une revalorisation des autres personnels à la fin de l’année 2015 ».
Depuis début 2016, le personnel se mobilise pour dénoncer le manque criant de moyens dans leurs services, l’impossibilité de mener à bien leur travail dans les conditions actuelles, l’absence de reconnaissance par leur propre administration de leur savoir-faire et de leur expertise.
Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) sont des services du Ministère de la Justice rattachés à l’Administration Pénitentiaire.
En France il y a 103 SPIP en France. Au 1er janvier 2014, il y avait 3054 CPIP pour 251 991 personnes placées sous main de justice confiées à l’AP. Effectif théorique : 82,5 personnes suivies par CPIP. Or, en réalité, pour le SPIP de Besançon, 1 agent prend en charge en moyenne 112 personnes. En comparaison : un agent de probation en Allemagne suit 50 à 70 personnes ; au Canada, 30 personnes.
C’est pour cette raison que les manifestants ont souhaité montrer de façon visible ce que cela voulait dire, avec 112 feuilles attachées devant le TGI. Sur chaque feuille on pouvait lire le nom et l’objet de la condamnation pénale.
Cette mobilisation se fait dans le cadre d’une nouvelle « semaine morte » (du 6 au 10 juin) qui fait suite à celle du 23 au 27 mai et qui se décline de la façon suivante:
- aucune convocation en milieu ouvert (seules les urgences sont traitées par la permanence)
- aucun entretien en détention (sauf arrivants, dans les meilleurs délais, et urgences évaluées comme telles pas les CPIP)
- aucune réponse aux appels téléphoniques
- aucune réponse aux mails
- aucun rapport n’est établi
- aucune modification horaire PSE n’est effectuée par les agents
- boycott des formations
- rassemblement devant la Maison d’arrêt de Besançon le mardi 7 juin 2016, de 12h à 14h
- rassemblement devant le Tribunal de Grande Instance de Besançon le jeudi 9 juin 2016,de 12h à 14h
- boycott des réunions institutionnelles et partenariales, des CPU et des CAP au CSL et à la MA
Cette « semaine morte » était aussi une semaine de mouvement national. Nadine Pech, conseillère pénitencier et d’insertion et de probation (affiliée à la CFDT) nous donne plus de détails:
Les revendications du personnel SPIP:
– L’ouverture des négociations statutaires pour l’ensemble de la filière insertion probation (accès à la catégorie A pour les CPIP et A+ pour les DPIP) : ses missions se sont complexifiées au fil des années et son savoir-faire mérite cette reconnaissance ( évaluation des situations des PPSMJ, mise en oeuvre d’un suivi individualisé pour prévenir la récidive et insérer les personnes, aide à la décision judiciaire, etc…)
– Une remise à niveau immédiate du dispositif indemnitaire
– L’égalité de traitement des Assistantes de service Sociale (ASS) ayant intégré le corps de CPIP pour le calcul de la pension de retraite
– Un plan de recrutement, inscrit dans le projet de loi de finances pour 2017, permettant un véritable renforcement en ressources humaines dans les SPIP ( CPIP, DPIP, personnels administratifs notamment)
Il va sans dire que les SPIP ont été impactés de plein fouet par un état d’urgence qui ne cesse d’être prolongé. Du fait de leur contact avec toutes les personnes placées sous main de justice et de leurs missions: augmentation des permanences d’orientation pénale – enquête rapide à la demande du parquet avant une comparution immédiate – augmentation des personnes incarcérées, signalement des personnes radicalisées, travail avec des binômes éducateur/psychologue recrutés dans le cadre du Plan de Lutte Anti-Terrorisme …
Un tiers du personnel de la filière insertion et probation (près de 1000 personnes) était présent lors de la manifestation nationale du 10 mai 2016 à Paris. Personnel qui promet d’ailleurs de durcir les modalités d’action, au fur et à mesure, face au silence de l’administration.