-
Pour que le droit d’asile ne soit pas qu’un mot creux bafoué à chaque instant par les États, les administrations, les autorités départementales et communales
-
Pour que les demandeurs d’asile arrivés jusqu’à nous reçoivent, ailleurs et ici, un accueil digne par le respect de tous leurs droits
-
Pour que cesse la chasse aux étrangers et que cessent les expulsions massives
-
Pour que la solidarité ne devienne pas un délit mais un devoir,
des femmes et des hommes, de tous âges et de toutes conditions, se mobilisent :
nous sommes d’ailleurs et d’ici, nous aussi.
Partout où ils se déplacent à l’étranger, nos hommes d’Etat citent la Convention de Genève sur la protection des réfugiés et des apatrides, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme sur »le droit à chercher asile et à bénéficier de l’asile » (article 14) et affirment que la France doit rester la terre d’accueil qui a fait sa réputation internationale.
A l’intérieur des frontières nationales, le discours du ministre de l’Intérieur, G. Collomb, ne s’embarrasse pas de ces précautions oratoires : de plus en plus nettement, ses propos et surtout ses circulaires aux Préfets traduisent une tout autre ligne politique, celle du déni des droits, de la chasse à l’étranger »irrégulier », de la politique du chiffre, quel que soit le prix humain à payer.
Et dans les faits, les actes, sur le terrain des »territoires », partout, cette politique du rejet, de la traque, de la non-reconnaissance des droits (enregistrement rapide du dossier d’asile, hébergement d’urgence, prise en charge immédiate sur le plan social, médical, psychologique, scolaire…) est à l’oeuvre.
Ce n’est plus seulement dans les dunes et le port de Calais, sur les trottoirs du quartier de La Chapelle à Paris, dans la vallée frontalière de La Roya, près de Nice, que les migrants par milliers se heurtent aux murs, aux barbelés, aux grillages, aux barrages policiers.
C’est partout. Ailleurs et ici. Même ici.
Ici, pas encore de mur apparent, de grilles érigées, de signes ostensibles que l’étranger n’est pas le bienvenu, qu’il n’y a pas de place pour lui, qu’on ne veut pas lui en trouver une.
Mais des campements pour tenter de se mettre à l’abri des intempéries…tout autant que des contrôles policiers… Des campements visibles, comme à Chamars, sous le corps-de-garde, en »plein air », et des beaucoup plus discrets, sous les ombrages du parking d’Isenbart.
Depuis la montée des eaux fluviales de mi-novembre, le campement d’Isenbart a dû être déplacé au parking d’Arènes, sous les arcades. Un peu moins humide, un peu plus à l’abri du vent et des averses.
Qui »vit » là ? Des familles demandeuses d’asile, en provenance d’Albanie, de Bosnie, du Kosovo, de Macédoine. Des pays que l’État français déclare »sûrs »…
Pendant combien de temps ? Cela peut durer jusqu’à deux mois, jusqu’à ce qu’enfin, la Préfecture décide de les héberger et de les prendre en charge, a minima.
Comment survivent-elles sous la tente ? Pour une grande part, grâce à la solidarité des citoyen-ne-s et des associations humanitaires qui leur fournissent nourriture, tentes, couvertures, couches, accueil de jour au »Bol d’Air », ouvert par le Collectif Solmiré dans un ancien restaurant inoccupé.
Le 15 décembre est passé et il y a toujours, à Besançon, des familles demandeuses d’asile »à la rue ».
C’est l’hiver pourtant, la saison où l’on réentend parler de l’inconditionnalité de l’accueil pour toute personne qui se trouve sans hébergement.
Y aurait-il un micro-climat à Besançon, pour que cette »inconditionnalité de l’accueil » ne concerne pas les autorités locales ?
Plus consternant encore, ces mêmes autorités locales utilisent tous les stratagèmes légaux pour fermer cet accueil de jour solidaire, »Le Bol d’Air », qui tente de pallier aux carences volontaires des dites autorités.
Non-accueil des demandeurs d’asile d’un côté, expulsions ou tentatives d’expulsion à la chaîne, de l’autre, avec une inhumanité assumée, par la préfecture du Doubs :
– renvoi d’un couple vers l’Italie pour le contraindre à y demander l’asile, alors que ses deux enfants vivent en France avec le statut de réfugiés, et que le père est fortement handicapé ;
– acharnement à expulser un Arménien marié à une réfugiée politique et père d’une fille de 2 ans, née ici ;
– étrangers malades qui, au bout de 5, 6, voire 10 ans de présence en France, avec des enfants scolarisés et un emploi ou une Allocation Adulte Handicapé, se voient privés soudainement du renouvellement de leur titre de séjour et perdent aussitôt leurs moyens de subsistance. La préfecture du Doubs passe outre l’avis motivé des autorités médicales officielles compétentes, qui indique qu’ils sont malades, que »le défaut de traitement peut entraîner des conséquences d’une extrême gravité et qu’il n’existe pas de traitement dans leur pays d’origine ».
Le Ministre de l’Intérieur, par sa circulaire aux préfets du 12 décembre 2017, met la pression sur les organisations humanitaires en charge des hébergements d’urgence, pour les pousser à dénoncer les personnes en situation »irrégulière » : des agents des préfectures envoyés dans ces centres d’hébergement pour y repérer les »sans-papiers » parmi les personnes présentes violeraient ainsi allègrement le principe de l’ »inconditionnalité de l’accueil en hébergement d’urgence ».
Dans une autre circulaire aux préfets, celle du 20 novembre 2017, le Ministre de l’Intérieur accentue sa pression en les exhortant à obtenir des résultats rapides sur les expulsions de »déboutés de l’asile ». Un point sera fait tous les mardis au Ministère pour chaque préfecture. Sans égard pour le grade de ses subordonnés, il pousse les préfets au zèle, à la concurrence entre eux, en leur déclarant:
» Dans ce cadre [lutte contre l’ »immigration irrégulière »], je vous invite à faire part des bonnes pratiques susceptibles d’être étendues à d’autres départements et de votre analyse sur les pistes de progrès ».
Tout cela »à droit constant », en attendant des dispositions législatives en cours d’élaboration, durcissant une nouvelle fois les conditions du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Devant de tels agissements, devant un tel climat de rejet de l’étranger, au nom de l’idée que nous nous faisons de notre pays, terre d’asile, d’accueil et berceau des droits humains, nous ne pouvons plus nous taire.
Notre silence serait synonyme de complicité.