Pass sanitaire : à Besançon, les manifestants se désolidarisent d’un groupuscule néonazi
16 août 2021
Toufik-de-Planoise (97 articles)
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Pass sanitaire : à Besançon, les manifestants se désolidarisent d’un groupuscule néonazi

Ce samedi 14 août à Besançon, la manifestation contre le « pass sanitaire » a réuni entre 2 000 et 3 000 opposants. Mais le désormais traditionnel défilé du week-end a été éclipsé par la présence d’un groupuscule néonazi, qui n’a pas hésité à exposer plusieurs pancartes antisémites explicites ainsi qu’à commettre des violences sur un autre participant. Très tôt, pourtant, les protagonistes ont été prévenus : leurs idées et leurs actes ne seraient pas tolérés. À peine élancé, c’est finalement l’ensemble du cortège qui s’est désolidarisé en scandant « dégagez les nazillons. » Restés tant bien que mal dans leur coin, huées, sifflets, et insultes, les auront accompagnés jusqu’à leur départ.


Connus pour leur haine et leur violence.

Tatouages "White Pride" / "Casseur de bouches" sur les jambes d'un membre du groupuscule fasciste

Tatouages « White Pride » / « Casseur de bouches » sur les jambes d’un membre du groupuscule fasciste

Dés 14h00 place de la Révolution, la formation d’un petit rassemblement a tranché avec le reste de la manifestation. Derrière une banderole d’apparence neutre « non à la dictature sanitaire » ainsi que des drapeaux comtois et à la croix de Bourgogne [1], une quinzaine de silhouettes s’étaient préparés à prendre la tête du cortège. Habillés de noir, avec casquettes, lunettes, et masques, les panoplies affichées n’étaient pourtant pas celles du black bloc : crânes rasés, tatouages, marques Lonsdale et Fred Perry, mise en place de rondes, échauffements aux sports de combat… des profils et comportements singuliers, qui se sont avérés être ceux de militants de la fachosphère locale.

Les habituelles allocutions ont pourtant été claires dés le début, les orateurs exprimant sans détours « que la haine et la violence n’étant pas les bienvenus, les néonazis infiltrés devaient partir d’eux-mêmes. » Tonnerre d’applaudissements. Si cette prise de parole est inhabituellement aussi tranchée, c’est que les ultranationalistes n’en sont pas à leur coup d’essai. Sur les seuls six derniers mois, leur palmarès est éloquent : le 31 janvier 2021 à Dijon, ils tabassaient des jeunes féministes ; le lendemain à Besançon, un de leur proche passait à tabac un entrepreneur au motif de ses origines ; le 17 juillet dernier à Besançon, ils molestaient une manifestante anarchiste et un reporter de Radio BIP.

Le groupe néonazi lors d’une pose photographique, en fin de manifestation place Saint-Jacques – capture d’écran.


Plusieurs pancartes antisémites.
Ils se retrouvent sous la bannière « Vandals Besak » (VDL BSK), énième émanation de l’extrême-droite radicale locale. Pour former un petit groupe, la troupe a du ratisser dans la région et jusqu’à Paris afin de pouvoir parader. Une publication postérieure sur Internet précise un partenariat en ce sens avec les « Zouaves », faction francilienne qui multiplie les agressions racistes et politiques. L’un de leur cadre, Marc de Cacqueray-Valmenier, était d’ailleurs présent. Afin de compléter ce panorama, un trio s’est rapproché du groupe ; activistes de l’Action Française, leurs adeptes arborent un drapeau tricolore frappé de la fleur de Lys. Dans cet ensemble, les visuels confectionnés et brandit ont été tout autant parlants.

D’abord les vêtements, des réclames promouvant notamment « Mauvais Troquet », les « Hooligans from Sofia », ainsi qu’un « Punisher. » Mais aussi et surtout plusieurs pancartes, dont certaines affichaient le personnage de « Pepe the Frog » et le site « Démocratie participative », le fameux « qui ? », un soutien à Cassandre Fristot, ou encore « j’encule votre Dieu infini, l’En Sof. » Une autre indiquait : « great reset = tikkunolam – le génocide des goyim. » Elle associe la théorie du complot d’un Nouvel Ordre Mondial, « la grande réinitialisation », au « Tikkoun Olam », concept philosophique de justice sociale juive, entraînant l’élimination du « Goy », c’est-à-dire tout élément en-dehors de la communauté hébraïque.

Aperçu de plusieurs pancartes incriminées, brandies par des membres et sympathisants du groupe néonazi – crédit Jordan Bracco/Kawa TV. La troisième en bas à gauche contient un recto faisant référence à Cassandre Fristot, et au verso reprends le « qui ? » photographié par Frank Lallemand pour l’Est républicain. Son autrice avait déjà été signalée lors d’une mobilisation le 29 octobre 2021, évincée du cortège à cause de son soutien au négationniste Hervé Ryssen.


« 
Dégagez les nazillons. »
Resté tant bien que mal en noyau dur et dans son coin après avoir été publiquement mis en cause, le groupuscule semblait résolu à ne pas faire davantage de vagues. Mais à peine le cortège engagé rue des Granges, un incident est signalé à leur proximité : un participant, sur le pavé depuis les gilets jaunes, détenant un drapeau rouge et noir, qui ne s’était pas décalé à leur passage, est physiquement pris à partie. Fidèle à ses paroles, Frédéric Vuillaume stoppe de suite la procession. Presque d’une seule voix, des centaines de protestataires reprennent alors en cœur « cassez-vous » puis « dégagez les nazillons. »

Durant de longs instants, la tension fut particulièrement palpable. Ceux-ci ne s’attendaient sans doutes pas à une réaction si forte et unanime, au point d’en réclamer désormais « qu’on veuille bien les laisser tranquilles, en échange d’un arrêt des hostilités » dixit Olivier de Terre et Peuple. Leur rejet consommé ne pouvait toutefois aboutir à une exclusion plus concrète, les individus s’étant installés au milieu de milliers d’opposants et exultant « qu’il faudrait en venir aux mains pour les-y déloger. » Au bout de dix minutes, l’itinéraire reprenait. Non sans effusions de colère et de consternation.

Le groupe néonazi et monarchiste place du Huit Septembre, à l’écart du reste de la foule.


Une déclaration qui fait le buzz.
Durant le trajet, la bande essuiera de façon chronique des sifflets, huées, et insultes. Se sentant parfois acculées, ses figures crieront « unité » et plaideront « qu’on est tous ensemble face à Macron. » Mais place du Huit septembre l’isolement n’en sera que plus flagrant, occupant un réduit à l’écart du site afin d’arracher une séance photo. Un maintien modeste, qui ne calmera pas les récriminations. Un syndicaliste enfonce le clou, dans une prise de parole devenue virale : « ces gens là n’ont rien à voir avec nous. Je dis ça pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, ce n’est pas une manifestation de fachos ; ce sont les fachos qui se sont imposés. » Arrivés à deux pas de la Préfecture, ils se détacheront du reste de l’événement, prenant à cette occasion un dernier cliché afin d’alimenter leurs réseaux partisans.


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Ce samedi il y avait environ 2 500 contestataires selon nos estimations, entre 2 000 pour les Autorités et 3 000 d’après les organisateurs. À Besançon comme ailleurs en Bourgogne/Franche-Comté le niveau est en légère baisse par rapport aux semaines précédentes, mais il constitue toujours un seuil critique considérable en plein mois d’août. Le parcours s’est essentiellement concentré à naviguer dans les rues de la vieille-ville, jusqu’à Chamars où la dispersion s’est amorcée dans le calme à partir de 17h00. Si d’autres aspérités plus « marginales » ont également été relevées, comme la prestation musicale de la controversée Ingrid Courreges ou la promotion d’un logo du « Conseil National de Transition », l’après-midi fut par ailleurs globalement bon enfant, festive, et revendicative.

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[1] La croix de Bourgogne est à l’origine un simple symbole historique. Il fut toutefois réutilisé durant la Seconde Guerre mondiale, notamment par le parti rexiste et la 28e division SS Wallonien qui y voyait la représentation d’un territoire ethnolinguistique fantasmé allant de Bruges à Besançon. Récemment reprise par les mouvements identitaires et nationalistes, elle a été l’un des emblèmes du Front comtois.



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