Pontarlier : inquiétudes et tensions autour de l’expulsion d’une famille
24 juillet 2021
Toufik-de-Planoise (97 articles)
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Pontarlier : inquiétudes et tensions autour de l’expulsion d’une famille

À Pontarlier, les autorités ont procédé à l’expulsion d’une famille ce mardi 20 juillet. Installés depuis plus de dix ans sur place, il est reproché à leurs cinq membres des retards de paiement et un usage inadéquat des lieux. Entre-temps la situation a été régularisée, mais tribunaux et instances locales n’ont pas voulu transiger. En l’absence de solutions pérennes et d’une proposition de relogement, seule une issue provisoire a pu être finalement composée avec les associations et représentants. L’histoire presque banale d’un foyer non-sédentaire, dont la communauté est régulièrement malmenée.


Une existence paisible, brutalement
remise en question.

Lionel et ses proches, gens du voyage, connaissent la descente aux enfers. Une mauvaise passe fin 2020, Covid aidant, avec des impayés à la clé, a terni plus de dix années de quiétude. Un manquement pour l’Agglomération, qui engage alors une procédure. L’un des fils, ferrailleurs, tente de sauver les meubles, et désosse des véhicules destinés à la casse sur place pour en tirer quelques subsides. Nouvel affront pour les pouvoirs publics. Les dettes ont été depuis réglées, et les lieux ordonnés. Mais rien n’y fait. En novembre dernier, la décision tombe au tribunal administratif : l’expulsion des « indélicats. »

Malgré les discussions avec le maire Patrick Genre qui concédait réflexions et délais, la décision est devenue exécutoire à partir du lundi 19 juillet. C’est à ce moment là que la famille, peu habituée des cours de Justice et ne s’étant pas faite entendre jusque là, comprend les tenants et aboutissants de l’affaire. Mais surtout, ses conséquences graves et immédiates. Peu importe si elle n’a pas d’autres endroits où aller, aucune proposition de relogement ne lui ayant été d’ailleurs faite. Rémy Vienot, président de l’association « Espoir et Fraternité Tsiganes », prend alors le dossier en main.

La Préfecture se débine sur l’Agglomération, et cette dernière se veut inflexible. Mardi à 14h00, les forces de l’ordre arrivent en nombre. Et armés. Face à eux, intimes, voisins, et autres nomades de tous bords, comptent bien peser de leur visibilité. Le commandant Armand Trousseau et un adjoint au maire misent sur des pourparlers, qui s’instaurent. Un sursis de quatre jours est validé, assorti d’un engagement : «  nous laissons la porte ouverte pour un retour dans les semaines à venir. » Chronique de péripéties devenues immuables, permettant d’entrevoir les galères rencontrées par ces populations.



L’ostracisme, menu typique du Haut-Doubs.

À Pontarlier, difficile d’être précaire et en marge des normes sociales. Les « frontaliers » y représentent une part importante des habitants, l’immobilier atteignant des prix soutenus. En l’absence de revenus réguliers et conséquents, l’achat d’un terrain ou la simple location d’un bien « classique » semblent inenvisageable. Les quelques 350€ mensuels que coûtent l’occupation du site sont également loin d’être négligeables, pour des foyers souvent tournés vers des activités vivrières. Un des emplacements les plus chers de Franche-Comté, et des plus sommaires aussi.

Les terrains familiaux se trouvent en effet en marge de la ville, dans la zone d’activité dite des Gravilliers. Entre une usine d’équarrissage et une fabrique de laine. Les lieux se résument à un espace goudronné et un bâti spartiate de quelques mètres carrés, tout juste suffisant pour y placer caravanes et vivres. Les sanitaires, eux, sont alloués à plusieurs abonnés. Arbres, points d’eaux, jusqu’aux horizons coupés par des haies, manquent cruellement. Si les Autorités respectent les dispositions légales en vigueur, nous avons pu constater que les conditions sont toutefois minimales.

Une nonchalance de l’administration, qui emboîte le pas de bien des habitants et faiseurs d’opinions. La presse locale n’hésites pas à faire régulièrement ses choux gras sur d’éventuels écarts de quelques membres de certaines communautés, à partir de ressentis peu étayés et sans guère de précisions. Les protagonistes ne sont ainsi qualifiés que par leur seule nature, désormais infamante. Un réflexe abjecte, résumé par le titre d’un journal du coin en septembre 2014 : « gens du voyage, le grand ras-le-bol. » Ou comment nourrir les amalgames, antagonismes, et dérapages.

Voir la vidéo enregistrée en direct de l’échange avec le policier et le représentant de la mairie

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